Le
bouclier fiscal est une mesure fiscale instituée dans certains pays visant à plafonner le montant maximum des
impôts payés par le
Contribuable. La mesure vise souvent à jouer le rôle de « garde-fou » d'un système fiscal complexe où la superposition de différents impôts peut, dans certains cas particuliers, générer une imposition totale jugée excessive par le législateur.
En Europe
Plusieurs pays d'Europe ont adopté des mesures de réduction des tranches marginales d'imposition dans une logique influencée par l'économie de l'offre de
Robert Mundell et d'
Arthur Laffer. En particulier la
Courbe de Laffer se base sur l'idée que « trop d'impôt tue l'impôt ».
En Europe, des pays ont donc mis en place un mécanisme spécifique de « bouclier fiscal »:
Concernant l'Allemagne, la cour constitutionnelle de
Karlsruhe a statué le 22 juin 1995 qu'il était contraire à la constitution de prélever l'impôt sur la fortune si cela équivalait à prélever plus de la moitié des revenus du contribuable. L'impôt sur la fortune a finalement été supprimé en 1997 par
Helmut Kohl. Le taux marginal a été, lui, régulièrement réduit par le SPD et la CDU-CSU, passant de 53% en 1995 à 48,5% en 2002 et 42% en 2006.
En France
Le bouclier fiscal est une mesure instituée en
France par la
Loi de finances pour 2006, qui pose comme principe qu'un
Contribuable ne peut avoir à acquitter plus de 60 % de ses revenus en impôts. L’article 1 du code général des impôts disait donc : « Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus ». Ce pourcentage n'incluait pas les
Cotisations sociales, ce qui mettait le seuil effectif du bouclier fiscal à 71%. Il avait rencontré un succès très mitigé .
Nicolas Sarkozy avait annoncé lors de la campagne présidentielle de 2007 qu'il voulait « un bouclier fiscal à 50% y compris la CSG et la CRDS ». La Loi TEPA du 1er août 2007 a ainsi abaissé le seuil à 50 % du revenu déclaré et intègre, malgré l'opposition du Nouveau Centre, les contributions sociales au titre des impôts servant de référence au calcul du bouclier.
Mis en place par la Loi de finances 2006, le bouclier fiscal abaisse les impôts des contribuables de 60% à 50% de leurs revenus depuis le 1er janvier 2008. Le dispositif prend en compte l'ensemble des prélèvements fiscaux: la CSG, la CRDS, l'Impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les taxes foncières et la Taxe d'habitation sur la résidence principale. L'administration fiscale rembourse la différence aux contribuables si les impôts payés dépassent le seuil de 50% des revenus.
Règles de calcul
Le mécanisme du bouclier fiscal est fondé sur une demande de restitution par le contribuable à l'administration fiscale du trop-perçu. L'ensemble des éléments fournis sont donc susceptibles d'être contrôlés. Les différents impôts doivent être normalement déclarés sur la base des revenus de l'année
n-1 et acquittés l'année
n ; ce n'est que l'année suivante,
n+1, qu'une demande peut être faite (par envoi d'un formulaire) pour obtenir le remboursement des sommes versées en trop. On prendra par exemple les revenus de l'année 2007 et les impôts payés en 2008 (y compris l'impôt sur le revenu de 2007 donc), la demande de remboursement se faisant en 2009.
Ainsi à la différence des exonérations existant en matière d'Impôt de solidarité sur la fortune, le contribuable ne déduit pas lui-même de sa déclaration le trop-perçu d'ISF mais doit demander un remboursement. Ce mécanisme complexe a été fortement critiqué, entre autres par le ministre des comptes publics, Éric Woerth, ou par les contribuables qui craignent de s'exposer à un contrôle s'ils demandent le remboursement.
Impôts
Les impôts concernés sont l'impôt sur le revenu effectivement payé, l'impôt de solidarité sur la fortune, la
Taxe d'habitation et la
Taxe foncière de la résidence principale, etc. La redevance audiovisuelle et la taxe sur les logements vacants ne sont pas prises en compte. Les contributions sociales (CSG, CRDS n'étaient pas incluses dans la loi votée par le gouvernement Villepin mais l'ont été dans la
Loi TEPA d'août 2007).
Revenus
Une grande partie des revenus doit être pris en compte :
salaires,
plus-values (y compris celles exonérées), revenus fonciers, intérêts de plans d'épargne populaires ainsi que ceux générés par des contrats d'
Assurance-vie en
euros (monosupport, même sans effectuer de retrait).
Certains revenus ne sont toutefois pas intégré dans le calcul :
- les plus-values immobilières exonérées
- les plus-values mobilières dans la mesure où le seuil de cession de 25 000 € n’est pas dépassé
- les prestations sociales
- les gains (mais pas les retraits) sur les PEA et contrats d'Assurance-vie multisupports, à condition que l'épargne ne soit pas exclusivement ou quasi-exclusivement investie en euros.
Bénéficiaires
Les bénéficiaires potentiels du bouclier fiscal identifiés par la DGI seraient 93 000 et le montant des restitutions prévus pour une année pleine est estimé à 400 millions d'euros.
La classe politique et les médias ont cités ces deux profils extrêmes de bénéficiaires :
- Le cas de certains agriculteurs de l'Île de Ré a été largement médiatisé. Assujettis à l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) du fait de la valeur de leurs champs (spéculation immobilière et passage en zone constructible), ces contribuables ont de faibles revenus.
- Le cas de Léone-Noëlle Meyer, riche héritière des Galeries Lafayette, a été relevé par le syndicat CGT des impôts à Paris. Celle-ci s'est vu rendre 7,7 millions d'euros au titre du bouclier fiscal, soit le montant de son ISF. Le dispositif du bouclier fiscal neutralise dans ce cas l'ISF.
Ces deux exemples illustrent deux types de contribuables qui bénéficient du bouclier fiscal : foyers modestes disposant d'un patrimoine souvent immobilier ou foyers très fortunés avec peu de revenus. Selon Jean-François Copé, ministre du budget en 2006, parmi les bénéficiaires, « près de 90% sont parmi les plus modestes ».
Année fiscale 2006
Pour l'année
2006 (bouclier fiscal à 60 % n'incluant pas la CSG, sur les revenus de l'année
2005), le nombre de bénéficiaires était estimé par Bercy à 93 000 mais en octobre 2007, seuls 2 398 demandes avaient été acceptées pour un coût total de 121 millions € au 31 août (401 millions prévus). Ces demandes ont émané de foyer très fortunés mais aussi de RMIstes.
En 2007, 23 179 demandes de remboursement au titre du bouclier fiscal ont été adressées à la Direction générale des impôts (DGI). La restitution d'impôts s'élève à 222 millions d'euros, soit 16 623 euros par foyer fiscal. Environ 20% des demandes traitées ont été rejetées.
Plus de 8 000 demandes concernent des montants inférieurs à 800 euros. Beaucoup de ces faibles montants sont issus de bénéficiaires de Minima sociaux (comme le revenu minimum d'insertion (RMI) ou l'allocation de parent isolé (API)) redevables d'une Taxe foncière au titre de leur habitation principale",ou de contribuables détenant un patrimoine non productif de revenus ou dont la valeur de leur résidence principale s'accroit sans augmentation parallèle du revenu.
Réactions en France
Défense
Ses défenseurs y voient essentiellement une lutte contre l'
exil fiscal (dont l'ampleur fait elle-même débat).
Jacques Marseille compare ainsi le coût de la mesure, 263 millions €, au montant des capitaux qui se sont délocalisés depuis 1997 pour fuir l’ISF, évalués selon lui entre 24 et 32 milliards €.
Ses défenseurs considèrent également qu'il s'agit d'une mesure de bon sens et d'équité, un contribuable ne devant pas être spolié de ses revenus par l'accumulation des différents impôts existants. Par ailleurs, dans une logique d'économie de l'offre, ces mesures peuvent permettre un regain de croissance et une augmentation des ressources fiscales de l'État. Florin Aftalion cite l'exemple des baisses d'impôts sur les tranches supérieures aux États-Unis qui, en 2004 et 2005, ont permis une augmentation des recettes fiscales de 8% et 9% ainsi qu'une croissance de 3,9% par an. L'Institut économique Molinari a, lui, salué des « dispositions fiscales représentent en réalité des incitations pour nous tous, et pas simplement pour les exilés fiscaux ».
Le bouclier fiscal règle également le cas de certains contribuables à faibles revenus qui peuvent, dans certains cas particuliers, devoir payer plus d'impôts qu'ils n'ont perçu de revenus, mais il les oblige à faire l'avance chaque année pendant un an des sommes excédant les 50 % de leur revenu. Selon les propres chiffres du ministère des finances, 93 000 contribuables devaient bénéficier du bouclier à 60%, dont une vaste majorité ayant de faibles revenus (87 % ont un revenu fiscal inférieur à 5 332 € annuel). Les chiffres effectifs devraient cependant être très inférieurs, en raison de la crainte de contrôle accrus.
Critiques
La gauche s'est opposée fortement à son instauration :
- Dominique Strauss-Kahn (PS) déclare que cette loi est « injuste pour les contribuables », et dénonce les diminutions d'impôts de la Classe sociale la plus riche ;
- Ségolène Royal avait pris comme engagement de campagne de supprimer le bouclier fiscal ;
- Le MRC considère que le bouclier fiscal protège « les plus riches » ;
- Le syndicat SNUI estime que « le bouclier fiscal favorise les redevables de l’ISF les plus favorisés déjà plafonnés ou proche du plafond » ;
- Le PCF a lui critiqué une mesure qui « ne profite qu’aux très riches » ;
- Le Syndicat national unifié des impôts considère lui que « le dispositif de bouclier fiscal s'adresse en priorité à des foyers fiscaux aux revenus relativement conséquents ».
D'autres, comme certains parlementaires UMP (Lionnel Luca, Jean-Michel Fourgous, Jean-Pierre Gorges ou Hervé Mariton) ou l'association Contribuables associés, lui ont reproché de ne pas aller assez loin, estimant le taux maximal d'imposition de 60 % trop élevé.
Ces propositions ont intégré la Loi TEPA, adoptée par le Parlement en août 2007. Tous les contribuables pourront donc se prévaloir à compter du 1er janvier 2008 du bouclier fiscal au taux de 50 %. Cependant le remboursement a posteriori a été maintenu et la complexité de la procédure reste identique. Cette complexité est mise en avant par ceux qui doutent de l'efficacité de la mesure et plaident plutôt pour une simplification de la fiscalité française : réduction des 200 niches fiscales sur l'ISF, réintégration des abattements forfaitaires dans l'Assiette fiscale.
En outre, la demande de remboursement, voire la non-demande de remboursement, est perçue comme pouvant favoriser des contrôles fiscaux. Pour Denis Payre, « ils craignent les représailles sous forme de contrôle fiscal s’ils ouvrent leurs livres de comptes à une administration qui n’aime pas les gens qui ont réussi financièrement ».
Enfin, l'instabilité juridique est considérée comme rédhibitoire ; le bouclier fiscal n'étant pas inscrit dans la constitution comme en Allemagne, il est susceptible d'être révoqué.
Pour ces raisons, l'efficacité du bouclier fiscal est mise en doute par certains : « De tous mes clients, pas un seul ne m’a encore appelé pour me demander d’organiser un éventuel retour », déclare ainsi Jean-Marc Tirard, du cabinet d’avocats Tirard Naudin. Quelques exilés ont cependant annoncé leur intention de rentrer en France : Johnny Halliday ou Michaël Llodra. De même, Eric Brunet considère que le bouclier fiscal est inefficace face au sentiment qu'en France, les riches sont mal aimés.
Un sens différent aux États-Unis et en Allemagne
En anglais et en allemand, on appelle bouclier fiscal (
tax shield ou
Steuerschild) un moyen employé par un redevable pour réduire son imposition ; il s'agit d'un terme de finance ou de comptabilité plus que de droit fiscal. Par exemple, souscrire un emprunt est un bouclier fiscal, car on peut déduire les intérêts de la dette. Parce qu'un bouclier fiscal permet de protéger le flux de trésorerie, il s'agit d'un aspect important de la valorisation des entreprises.
Aux États-Unis, afin d'éviter que l'impôt ne soit abusivement éludé, par l'utilisation extensive, ou abusive, de déductions et autres niches fiscales, les contribuables dont l'impôt payé est, de façon disproportionnée, faible par rapport à leur revenu peuvent alors être soumis à un autre système de calcul dit Alternate Minimum Tax (AMT), consistant en un taux unique et ne prenant pas en compte la plupart des déductions et crédits d'impôts auxquels ont droit les autres contribuables. Au cours des dernières années cependant, ce système d'impôt minimal a touché de plus en plus de ménages des classes moyennes, en particulier à cause de l'augmentation des prix de l'immobilier : en effet, les plus-values à la revente d'une résidence principale, largement exemptées d'imposition dans le système normal, sont prises en compte comme revenus par l'AMT. Un débat sur l'aménagement du système pour les impôts fédéraux est par conséquent en cours actuellement à Washington.
Notes et références
..
Voir aussi